Réduction des délais de consultation du CSE (ne pas confondre vitesse et précipitation !)

Le Gouvernement l’avait annoncé depuis le 23 mars 2020, la réduction des délais de consultation du CSE est désormais en vigueur avec la publication de l’Ordonnance n°2020-507 du 2 mai 2020, et du Décret n°2020-508 du 3 mai 2020. 

Il s’agit, selon l’Exécutif, de « faciliter la reprise économique du pays », en levant tous les obstacles qui pourraient apparaitre. 

Alors que le CSE et les Organisations Syndicales doivent être vus, encore plus aujourd’hui, comme des soutiens nécessaires à la préservation de la sécurité et de la santé des salariés, le Gouvernement les stigmatise en faisant du CSE une simple chambre d’enregistrement. 

Si l’exigence de reprise économique peut être entendu, ce ne peut être au mépris des salariés et de leurs Représentants. 

Attention à ne pas confondre vitesse et précipitation ! 


Quels sont les nouveaux délais de consultation ? 

Le CSE est seul consulté, et ne désigne pas d’Expert : 8 jours (au lieu d’1 mois) ; 

Le CSE est seul consulté, et désigne un Expert : 11 jours (au lieu de 2 mois) ; 

Le CSE Central est seul consulté et désigne un Expert : 12 jours (au lieu de 2 mois) ; 

Le CSE Central et le(s) CSE d’Etablissement(s) sont consultés, et désignent un Expert : 11 jours pour le(s) CSE d’Etablissement(s) et 12 jours pour le CSE Central (au lieu de 3 mois) ; 

L’Expert a 24 heures pour demander les informations nécessaires, et l’employeur a 24 heures pour y répondre. Le rapport d’expertise doit être présenté 24 heures avant la fin du délai de consultation. 

  • Désigner systématiquement, dès la première réunion, un Expert :  

Qu’il s’agisse d’une Expertise légale (Expert-Comptable dans les conditions légales) ou d’une Expertise libre (Avocat, Expert-Comptable, Expert technique), le délai de consultation passe automatiquement à  
11 jours (ou 12 jours s’il y a un CSE Central). 

Il ne s’agit pas de proroger les délais de consultation pour le plaisir, mais 3 jours supplémentaires comptent énormément dans la compréhension des enjeux des projets de la Direction lorsque les délais sont aussi resserrés. 

  • Demander une réunion extraordinaire intercalaire entre la première réunion et la remise d’avis : 

Cette réunion extraordinaire permet de poursuivre les échanges, lesquels sont actés dans le procès-verbal et engagent la Direction. 

Soyez le plus exhaustif dans la prise de note des procès-verbaux, car c’est ce qui fera foi en cas de difficultés ultérieures (risque grave, faute inexcusable, etc.). 


Quels sont les projets soumis à ces délais de consultation ?

Sont concernées par ces délais de consultation toutes « les décisions de l’employeur qui ont pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 ».

Cette définition est extrêmement large, et il existe un risque évident de dévoiement des règles, certaines Entreprises pouvant considérer que toutes les décisions prises, à compter de ce jour, doivent permettre de faire face aux conséquences de l’épidémie.

Ce n’est pas l’esprit du texte.

Notre Conseil :

Il appartient au CSE d’interroger sur les justifications du projet présenté, et sur les attentes par rapport aux conséquences de la pandémie.

Il ne saurait être envisagée que cette réduction des délais permette à l’Entreprise de soumettre, dans ce contexte dérogatoire, tous les projets qu’elle souhaite sous couvert des conséquences de la pandémie.

Ainsi, si le projet soumis est récurrent (ex : modification de la rémunération variable présentée annuellement), ou qu’il était annoncé avant la crise sanitaire (ex : projet de cession ou de transfert d’activité), les délais raccourcis ne devraient pas pouvoir s’appliquer.

Une action devant le Tribunal Judiciaire en référé d’heure à heure pour faire suspendre la mise en œuvre de la décision, pourrait être envisagée.


Quels sont les projets non soumis aux délais de consultation réduits ?

Le Décret prévoit expressément que :

  • Les projets de Plan de Sauvegarde de l’Emploi ;
  • Les projets d’Accord de Performance Collective ;
  • Les consultations annuelles récurrentes (politique sociale, situation économique et orientations stratégiques) ;

Ne sont pas soumis aux délais de consultation réduits.

Ce sont les délais de droit commun qui continuent de s’appliquer.

Attention :

Seul le Plan de Sauvegarde de l’Emploi est visé, c’est-à-dire un plan de suppressions de plus de 10 emplois sur une période de 30 jours dans les Entreprises de plus de 50 salariés.

Un projet de suppressions de moins de 10 emplois reste soumis aux délais raccourcis, s’il a pour seul objet de faire face aux conséquences de la pandémie.

La question de la justification du projet est donc centrale.


Comment proroger les délais de consultation ?

Ces délais de consultation peuvent être prorogés :

  • Soit par accord :

En présence de délégués syndicaux dans l’Entreprise, la prorogation ne peut être décidée que par accord collectif signé par les délégués syndicaux.

En l’absence de délégués syndicaux, la prorogation peut être décidée avec le CSE à la majorité des Elus titulaires du CSE.

Attention :

Ce formalisme particulier (accord collectif, ou accord avec le CSE) visé à l’article L.2312-16 du Code du Travail doit être strictement respecté.

A défaut, cette prorogation ne sera pas valide et le Juge pourra considérer que vous avez rendu, tacitement, un avis défavorable : le processus consultatif sera achevé, et le projet pourra être mis en œuvre
(Cass. Soc, 21 septembre 2016, n°15-19.003).

  • Soit par décision judiciaire :

Si le CSE estime ne pas être suffisamment informé pour rendre un avis éclairé, il peut saisir le Tribunal Judiciaire selon la procédure dite accélérée au fond, visée à l’article L.2312-15 du Code du Travail.

Le Tribunal pourra alors enjoindre, sous astreinte, la communication des informations manquantes et proroger les délais de consultation.

Notre Conseil :

La saisine du Juge doit obligatoirement avoir lieu avant l’expiration du délai de consultation, même si le jugement est rendu postérieurement (Cass. Soc, 26 février 2020, n°15-13.363).

Compte tenu du délai très contraint, il est recommandé d’adopter, dès la première réunion, un mandat pour agir en justice confié au Secrétaire du CSE (ou tout autre membre titulaire) pour, le cas échéant, saisir le Tribunal si des informations venaient à manquer pour rendre un avis éclairé.

Il est en effet à craindre, que certaines Direction tergiversent pour procéder à une réunion extraordinaire avant la fin de la consultation, rendant plus difficile la défense de vos droits.

Ce mandat d’agir en justice doit être adoptée, à la majorité des Elus titulaires présents, après les échanges sur le projet envisagé. Il n’est pas utile que ce mandat soit inscrit à l’ordre du jour, dès lors qu’il se rattache à un point inscrit à l’ordre du jour (Cass. Soc, 15 janvier 2014, n°12-25.468).


A partir de quand ces nouveaux délais peuvent-ils être appliqués ?

Ces délais sont applicables aux procédures d’information/consultation engagées à partir de maintenant.

Le législateur prévoit toutefois expressément la possibilité pour les Directions qui auraient déjà engagé une procédure d’information consultation, de l’interrompre, pour engager une nouvelle procédure immédiatement afin de bénéficier des nouveaux délais raccourcis.

Notre Conseil :

Pour pouvoir appliquer ces nouveaux délais à des procédures déjà engagées, encore faut-il qu’il s’agisse d’une décision qui a pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19.

De nouveau, nous vous invitons à interroger la Direction sur les motifs de cette décision, si elle s’inscrit bien dans le cadre de la crise sanitaire, et surtout, sur l’opportunité d’accélérer le processus consultatif alors que la procédure est déjà en cours.


Jusqu’à quand ces délais de consultation peuvent-ils être appliqués ?

Ces délais dérogatoires sont applicables jusqu’au 23 août 2020.

Toutes les procédures d’information consultation engagées jusqu’à cette date pourront être soumis aux délais dérogatoires raccourcis. Elles pourront donc s’achever après cette date.

Il s’agit de la date de fin de la période d’urgence sanitaire, laquelle reste susceptible de prorogation par décision législative.

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